Languedoc
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Étant donné que je n'aime pas parler de mes finances personnelles, je vais raconter l'histoire de mon aimable amie Isabelle, une spécialiste du marketing depuis trente ans. Nous nous sommes rencontrées dans le cours de danse moderne que nous suivons depuis l'automne dernier une fois par semaine. Isabelle est une magnifique danseuse, vive et ardente, et récemment, après avoir dansé une heure dans le style de Béjart et totalement épuisées, elle m'a invitée à prendre un verre.
„Avec plaisir“, lui ai-je dit et quelques minutes plus tard on se retrouvait sur la jolie terrasse chez Lollo, un bar juste à côte de l'école de danse.
Il était presque neuf heures du soir et j'avais faim. Alors j'ai commandé un plat de pâtes aux crustacés et une bouteille de Chablis. Isabelle, elle en voulait aussi. „Coûte que coûte“, elle a dit en ajoutant: „Nous sommes le vingtième jour du mois.“
„Oui, le 20 mai, et alors?“
„Tous les vingtièmes je plonge dans le rouge, comme par magie noire. C'est un mystère.“
„Un compte bancaire n'est pas quelque chose de mystérieux, ce n'est que le calcul, rationnel, concret et simple.“
„En théorie, peut-être“, Isabelle a répondu. „Mais dans ma vie pratique, ces calculs ne fonctionnent pas. L'argent s'en va toujours plus vite qu'il rentre. Mon porte-monnaie en est la preuve.“
„On ne devrait pas dépenser plus que l'on gagne. C'est tout le secret“, ai-je dit.
Mon amie a éclaté de rire et elle a levé son verre: „Au livre de comptes!“, elle s'est exclamée. „Malheureusement, le calcul n'est pas la solution à mon problème. Le problème c'est que j'ai toujours trop peu d'argent. Vers la fin du mois mes poches sont vides, c'est toujours comme ça.“
„Mais tu as un emploi à plein temps! Tu as un salaire fixe! Tu gagnes pas mal.“
„Cela ne suffit jamais“, elle a dit. „Pour mon job je dois bien me fringuer, il me faut être chic, cela coûte les yeux de la tête, et en plus, j'aime sortir, j'aime voyager, danser, communiquer. Je sais que je vis au-dessus de mes moyens, mais bon, mon banquier est gentil et, dieu merci!, j'ai un oncle aisé à Londres, il est généreux. Jusqu'ici, je ne suis pas forcée d'épouser un millionaire.“ Elle rigolait bien. „J'aime m'amuser“, elle a resumé son attitude. „La vie est trop courte pour boire du mauvais vin.“
„Goethe, le grand poète“, j'ai dit. „C'est une de ses citations célèbres.“
„Ça vient de Goethe?“, Isabelle a demandé tout étonnée.
„Eh oui, et comme il a raison, le vieux sorcier allemand!“
„Je ne connais pas Goethe, mais je suis experte de Maurice Béjart. Il était génial. Que penses-tu de sa choréographie du Boléro?“
Et on en a discuté toute la soirée. Le vin était vraiment bon, les pâtes faites à la maison Lollo étaient merveilleuses. Ensuite Isabelle a commandé un tiramisu, moi, de la glace à la vanille et du café. On a continué avec une deuxième bouteille Chablis grand cru, et vers minuit, j'ai discrètement reglé l'addition pour nous deux.